La route qui nous mène d’Oslo à la région du Värmland, dans la partie Sud-Ouest de la Suède, nous semble quelque peu familière : d’immenses forêts de conifères, des lacs à perte de vue, des hameaux colorés, du plat tout autour. Pour un peu, on se croirait de retour en Finlande. C’est au Nord du lac Vänern, le plus grand du pays, que nous avons rendez-vous avec une famille française installée en Suède depuis deux ans. Après un an de voyage sur les routes d’Europe, Julie, Matthieu et leurs trois enfants ont décidé de tenter l’aventure de l’expatriation. Ils vivent désormais dans un petit village paisible et très fleuri en cette saison. Nous avions reçu leur invitation sur le groupe Whatsapp de voyageurs au long cours et, comme nous ne refusons jamais l’occasion de rencontrer des personnes au profil de vie un peu atypique, nous voilà, un soir d’été, dans leur jardin, au milieu des groseilles, des poules et de sept enfants qui jouent ensemble comme s’ils se connaissaient depuis des mois. Julie et Matthieu nous réservent un accueil très chaleureux, partagent les joies et les difficultés de leur changement de vie, comparent avec recul les cultures françaises et suédoises. Les enfants qui ont à peu près le même âge que les nôtres racontent avec enthousiasme leurs journées d’école et l’ambiance qui y règne. Nous passons une belle soirée de canicule scandinave (au moins 25°C à 21h !) tous ensemble pendant que Mahault décime leur récolte de framboises et de cassis.
Le lendemain, nous partons pour une petite balade jusqu’à un lac. Alors que tout le monde est en train de sortir les sandwichs des sacs, nous tombons, avec Eléonore, sur un nid de frelons. Accueil nettement moins chaleureux. Demi-tour à toute vitesse, cris de peur et de douleur. Les autres se protègent pour échapper à la course folle des gros hyménoptères dérangés pendant leur sieste. Je m’en tire avec une piqûre à l’épaule mais Eléonore est piquée à la tête et nous n’arrivons pas à savoir combien de fois. On remballe, on marche vigoureusement en sens inverse pendant que Julie prend un avis médical par téléphone. Arrivée en fanfare : deux ambulances aux couleurs du drapeau ont été envoyées par précaution. Les secouristes sont très sympas, Eléonore est en pleine forme et passe vaillamment tous les examens. Elle reçoit une peluche Ikea et conclut par un « ça vaut le coup quand même parce qu’elle est belle » pendant qu’une ambulancière me fait avaler 10 comprimés de cortisone – la dose viking – parce que j’ai maintenant un frisbee sur l’épaule, tout en commentant les résultats électoraux français. On peut dire que c’est une entrée en matière un peu abrupte pour notre première journée suédoise, ce qui ne nous empêche pas de faire une belle récolte de myrtilles sauvages mais qui inaugure cependant une très belle semaine : lundi frelons donc, mardi œil au beurre noir magistral de Mahault mise K.O par une autre personne de la fratrie et qui nous aurait presque valu un signalement aux services sociaux, mercredi chute d’Eléonore qui s’ouvre le front dans un escalator.
Entre deux pharmacies, on visite quand même le Sud du pays sous un beau soleil. Les bords du lac Vänern nous font renouer avec les bivouacs into the wild, nous sommes seuls face à l’horizon infini du lac : de l’eau, des oiseaux et des éoliennes. Nous allons ensuite sur la côte, dans la région du Bohuslän aux airs de Bretagne, pour découvrir : les peintures rupestres de Tanum, très proches de celles d’Alta en Norvège, les villages de pêcheurs aux maisons colorées de Grebbestad et de Smogën, les rues de Göteborg, deuxième ville du pays. On détonne un peu dans l’ambiance lin blanc – polo de cette riviera suédoise très prisée en été avec nos sandales usées, shorts de randonnée et troupes cabossées.
C’est ici que nous retrouvons Alexandra et Sébastien avec leurs trois filles, rencontrés en Albanie puis recroisés dans le Sud de la Norvège, pour quelques jours ensemble sur un air de grandes vacances : balades au milieu du granit et des nymphéas, baignade dans une eau claire et fraîche, bivouacs sous les étoiles ou presque, glaces, debriefs Jeux Olympiques, et même, parce qu’on consomme toujours local, shopping chez H&M et déjeuners gastronomiques à Ikea (oui, oui, on est en décompensation complète, il est temps de rentrer).
Cette semaine est une douce transition vers la route du retour, les paysages sont beaucoup plus urbanisés que ce que nous avions connu ces dernières semaines, le thermomètre remonte tranquillement, les casquettes remplacent définitivement les bonnets sur l’étagère. Nous savons que nous commençons la dernière partie de notre voyage, nous sommes prêts à la vivre en savourant ce qu’elle aura à nous offrir, tout en mesurant le chemin parcouru et en pensant à la suite. A Helsinborg, nous saluons nos amis voyageurs, profitons des prix plus doux de la Suède par rapport à ses voisins pour faire le plein de vivres et de pétrole, et montons dans notre dernier ferry. Direction le pays d’Hamlet, de la petite sirène, des vélos cargos et des Legos. A suivre.