Bilan

8 mois, 22000 km sur roue, 20 pays, 230 heures d’IEC (instruction en camion), 25 ferries, 100 km de tunnels, 5 kg de bureks, 3 campings, 10 jours de pluie, 2 jours de neige, 0 problème  mécanique, 15 L d’huile d’olive, 12 L d’huile moteur, 7 dents perdues, 5 premières dents, 1500 heures de lectures, 1600 km à pied, 15 kg de poisson pêché, 40 sites archéologiques et musées, 12 laveries, 14 capitales, 2 petits problèmes de santé, 5 changements de bivouac nocturnes, 10 000 photos, 20 jours de route avec la famille, 5 anniversaires, 60 nuits sous le soleil, des milliers de chèvres, des centaines de rennes, 30 kg d’oranges, et surtout tout plein de rencontres. Les visages croisés, les bribes de conversation, les sourires, les mots de bienvenue, les moments partagés pour quelques heures ou quelques jours : nous gardons tout cela bien au chaud dans nos souvenirs. 

Que retenir de ces 8 mois ? Nous manquons sans doute encore un peu de recul pour mesurer la portée de l’encyclie du voyage dans notre vie. L’horizon s’est en tout cas considérablement élargi, au propre, au figuré, et nous avons comme incorporé notre citoyenneté européenne. Quelle diversité des champs d’oliviers grecs aux troupeaux de rennes samis, de Palerme à Copenhague, du macédonien au finnois, du marché kosovar au centre commercial norvégien. La première partie de notre voyage, en Italie du Sud, Sicile, Grèce continentale et Crète nous a offert une douceur méridionale et une plongée dans nos racines. La seconde partie, dans les Balkans, nous a permis de vivre une différence culturelle  qui nous a par ailleurs  un peu manquée. La troisième partie, la traversée du centre de l’Europe (Hongrie, Slovaquie, Pologne, pays baltes) nous a fait vivre l’Histoire en marche. La dernière partie, en Finlande et Scandinavie, c’était la Nature symphonique, grand air et soleil.

Nous avons le sentiment d’avoir construit un récit familial sur du roc pendant ces mois passés ensemble. Nous nous sommes réjouis de voir les enfants grandir, s’affirmer, apprendre, se confronter au monde, à notre Histoire, être complices, gagner en autonomie, tisser des liens, même éphémères, au fil des rencontres, se sentir à l’aise partout, trouver naturel de croiser un renne ou d’entendre parler danois, faire des exercices de maths avec délice, redemander une dictée (non, d’accord, là je m’emballe). Il y a eu des tensions bien sûr, mais finalement pas plus qu’à la maison avec la fatigue de l’école, du travail, du rythme soutenu. Pour notre part, on a savouré l’étirement de la vie, l’absence de contrainte temporelle ou presque, la liberté géographique totale. 

C’était un voyage très différent de l’Amérique du Sud il y  a 7 ans, en raison sans doute de l’âge et du nombre d’enfants, de l’étape de notre vie, de l’aire culturelle, des distances, du gain d’expérience. Nous avions vu plutôt juste dans nos projections lorsqu’on a choisi de voyager sur notre vieux continent : nous y avons apprécié la diversité culturelle, la densité historique et archéologique, les possibilités pour randonner. On a cependant moins rencontré de locaux et plus de voyageurs, comme on s’en doutait. Voyager en Europe est très facile, ce qui nous allait bien avec un bébé, mais peut-être un peu trop facile à vrai dire. On a sans doute manqué d’un brin d’aventure, de confrontation franche à la différence, d’acculturation plus radicale, ce que l’on a trouvé dans des pays où les voyageurs ne vont pas habituellement : Macédoine du Nord, Kosovo, Bosnie.

Ce qu’on a préféré ? Comme la question est un passage obligé des apéros de retour, nous nous sommes lancés dans l’exercice par anticipation. Bien sûr, la météo, le contexte, les rencontres, l’heure, le jour, tout cela entre en considération dans le fait d’apprécier un lieu particulièrement. On pourrait dire malgré tout : 

  • Etienne :  Paestum, la Crète, les Météores, le Grand Nord norvégien de Kirkenes aux Lofoten.
  • Amélie : Paestum, l’Etna, les oranges de Sicile, le Péloponnèse, les olives grecques, le poulpe frais, la Crète et le musée d’Héraklion, Berat en Albanie, Sarajevo, les monastères orthodoxes serbes au Kosovo, le sourire enthousiaste des kosovars, Gdansk, Tallinn, l’île de Hailuoto dans le golfe de Botnie, la Laponie, les bivouacs sauvages en Estonie et en Finlande, les oiseaux de Varanger, le cap Nord, Tromso et les alpes Lyngen, l’île de Senja, les Lofoten, les macareux de Runde, le glacier Jostedalsbreen,  l’opéra d’Oslo.
  • Apolline : Pompéi, la mozzarella de Campanie, la luge sur l’Etna, la plage de Balos en Crète, la feta et les gyros, la civilisation minoenne, le Parthénon, les bureks, les baklavas, les kebabs kosovars, les thermes et le resto en Slovaquie avec les cousines, Malbork, l’orpaillage en Laponie, les barbecues en Finlande, parler anglais, les dauphins en Norvège, prendre l’avion seule, le musée Munch à Oslo, le kayak au pied du glacier, les ferries, la route, les copains rencontrés.
  • Célestin : le Colisée, la luge sur l’Etna, les glaces italiennes, les plages de Crète, le musée des sciences à Varsovie, la visite de la famille, le château de Malbork en Pologne, les bisons en Lituanie, l’accrobranche en Lettonie, tous les copains rencontrés, la découverte de Harry Potter, les barbecues en Finlande, le Cap Nord, la visite du chalutier en Norvège, la pêche, les macareux de Runde, les ferries, le musée Munch à Oslo, les hot-dogs Ikea et bien sûr Legoland.
  • Eléonore : la basilique St Pierre de Rome, les métros, les bonbons qu’on nous a donnés partout, Athènes, les baignades en Crète, les amis voyageurs, les pâtisseries, la piscine de Sarajevo, les thermes avec les cousines, tous les musées, les bisons, les dauphins, les rennes, l’ornithologie, Ikea, Legoland, le tour en voilier, les amis allemands.
  • Mahault : les plages de galets, les pâtes fraîches italiennes, les siestes dans le dos des parents, la visite des grands-parents, être une star dans le Sud de l’Europe, les prés norvégiens pour apprendre à marcher, le fromage brun d’Undredal, la cueillette des fruits sauvages, les aires de jeux du Danemark. 

Ce qu’on a moins aimé ?

  • Etienne : la botte italienne, le Nord de la Serbie, les déchets dans les Balkans.
  • Amélie : les déchets en Sicile et dans les Balkans, les Pouilles désertes en hiver, la conduite albanaise, les paysages de Serbie, la Lituanie, la nourriture dans le Nord de l’Europe, la saturation touristique en Norvège du Sud, l’absence de lave vaisselle, la difficulté à trouver des chemins de randos en Europe du Sud.
  • Apolline : les fichiers de Maths !
  • Célestin : les cahiers de grammaire !
  • Eléonore : les grandes randos, manger du fenouil tous les jours en Sicile.
  • Mahault : la chaleur du tram de Sarajevo, le tour en voilier à Kiel, les longs trajets en camion.

Et si c’était à refaire ? On ferait de même, en allant peut-être directement en Grèce par bateau pour découvrir la Turquie dont tous les voyageurs parlent tant. On partirait en camping-car électrique pour alléger notre bilan carbone (reste plus qu’à l’inventer !). 

Des projets pour la suite ? Oui, bien évidemment on n’a pas dit notre dernier mot, mais pour l’heure, on bénit les grands parents, tantes et assistante maternelle qui vont prendre les enfants, nous sommes heureux de rentrer et de retrouver la famille, les amis, les collègues et on essaie de survivre au choc thermique. Les enfants sont impatients de revoir leur maison, leurs copains et de faire leur rentrée des classes qu’ils ont déjà anticipée à la minute près. Le voyage n’est pas un mode de vie pour nous, seulement une parenthèse, plus ou moins large, pour étancher, et attiser tout à la fois, notre soif de découvertes. Notre quotidien sédentaire et ces pas de côté nomades se nourrissent mutuellement sans s’opposer. On aime passer du temps de qualité tous ensemble mais on est loin de considérer la famille comme une île autarcique dans la longue durée et chacun a hâte de rouvrir son champ gravitationnel. On aime être ancrés et avoir de solides racines pour pouvoir se sentir habitants du monde. 

C’est pleins de gratitude pour ce qu’on a vécu, qu’on souhaite adresser quelques remerciements :

  • A tous ceux qui ont suivi nos pérégrinations sur ce blog, fidèles lecteurs ou curieux de passage, à ceux qui ont laissé des commentaires, nous ont envoyé des messages auxquels nous n’avons pas toujours répondu mais qui ont été précieux pour nous, nous avons eu plus de difficulté à écrire de manière assidue, sans doute parce que la destination était moins exotique qu’il y a 7 ans et qu’on se demandait souvent l’intérêt de partager tout cela, peut-être aussi que la scénographie du moi incessante de notre époque contemporaine a été une sorte de rebutoir, mais nous sommes heureux d’avoir senti que l’on vivait ces mois de manière plus large, un peu décentrée et partagée.
  • Merci à nos parents que nous avons (encore !) embarqués (et épuisés) dans la préparation de ce nouveau projet, bricolage, couture, babysitting, on espère qu’ils ne regrettent pas trop d’être en retraite ; merci aux grands-parents, à Cécile, Benoît et les cousines, qui sont venus en Slovaquie vivre les seuls jours de grand froid du voyage avec nous, d’avoir mis leurs roues dans les nôtres pour traverser la Pologne, de nous avoir offert des soirées sans enfant ; merci à Camille et Thibault pour la rampe de lancement, à nos amis qui ont veillé sur notre quotidien pendant notre absence ; merci aux professeurs de clarinette et de saxophone des enfants, au maître de Célestin pour leur soutien ; merci à Floraine et à Nelly (†) pour ces idées insufflées de la Sicile et de la Crète, à tous ceux qui nous ont donné des nouvelles régulièrement ; à tous nos proches qui nous soutiennent dans nos projets.
  • Merci à tous les voyageurs rencontrés, parfois fugacement, et particulièrement  : à la famille basque pour les soirées siciliennes ; aux PYCC, à Benjamin et Sylvie pour les barbecues -balades hellénistiques ; aux belges et suisses pour les soirées de vingtenaires qu’ils nous ont fait vivre ; à la team albanaise ramifiée, pour les bureks-footings  partagés, les dîners-bunkers sous les étoiles, Aurélie et Simon, et Marine et Matthias nos compagnons de route, merci pour les selfies-cascade, les baklavas-rakia, pour cette magnifique semaine tout au Nord randos-morue-dissolution-tisanes sous le soleil de minuit, Alexandra et Sébastien, nos co-voyageurs de d’Albanie et de Scandinavie, merci pour les balades-pique-nique-JO- hot-dogs, d’avoir d’avoir fait 50km sous terre pour nous rejoindre, d’avoir concocté une virée sur la riviera nordique aux petits oignons ; merci à la Foll’Odyssée pour tout ce qu’on a vécu à 12, balades-monastère- kidibu en Macédoine, rando diluvienne et éviscération de poisson au bord des fjords, fromage brun- temps spi-baguettes magiques ; à Malaurie et Mickaël pour les randos, bateau, saumons, legos, carottes râpées ; aux Herous en voyage et 1 pas de côté pour la belle soirée au coin du feu malgré la pluie au bout du monde ; cpaciba Olga et Edgar ; Veel dank u Mirre and Johan for that amazing evening in Lapland; merci à Milena et Lionel pour ce fantastique accueil et délicieux repas qu’ils nous ont réservés en Serbie ; danke Steffen, Lisa, Meike, Marc, Rita, Detleff, Connie, Udo für alles, für diese wunderbard Zeit mit euch verbracht ; à Laurianne et Paul pour notre dernière étape du voyage.
  • Merci à toutes les personnes rencontrées ou croisées dans les différents pays traversés et qui ne liront jamais ces lignes. Les conversations rapides ou plus construites, les mots de bienvenue, les cadeaux offerts avec spontanéité, les invitations chaleureuses, les bonbons donnés aux enfants. Nous avons, encore une fois, senti notre humanité vibrante et accueillante, on espère qu’on arrivera nous aussi à avoir la disponibilité pour l’étranger de passage dans notre vie française bien remplie.
  • Merci enfin à Bison II, fidèle monture. Plusieurs personnes dans notre entourage étaient dubitatives à l’idée que notre vieux destrier souffre la distance et bien il l’a fait, avec brio et enthousiasme ! Et merci la Vie !

Voilà, clap de fin, on regagne nos pénates dans la plus belle région d’Europe et on rend l’antenne, bien à vous.

Etienne, Amélie, Apolline, Célestin, Eléonore, Mahault, Bison II.

On dédie ces pages à Grand-grand-mère, qui, juste après la fin de notre voyage, a terminé le sien, dernier vibrato au violoncelle dans l’infini.

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2 réponses à Bilan

  1. Marie M dit :

    Merci à vous Amélie et Étienne, nous avons, un peu, un tout p’tit peu voyager avec vous et surtout pu rêver beaucoup… Bon retour et bonne arrivée chez vous… À bientôt pour de nouvelles aventures, la Vie est trop courte pour s’arrêter là 🙏👍😉
    On vous embrasse fort. Marie et Jacques

  2. Anne-Cécile MIGINIAC-LAPORTE dit :

    Merci à vous deux pour ces récits et les belles images. Je vous retrouverai avec plaisir en vrai lors de mes pérégrinations cette année, vous pouvez préparer la chambre d’amis :-). Et vous avez raison, nous vivons dans une si belle région ! Je vous embrasse

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