L’eau sous toutes ses formes, voilà le thème de ces derniers jours, marqués par des tours, retours et détours.
Après avoir retrouvé les parents d’Etienne à Ushuaia, nous avons pris la direction du Nord-Ouest avec eux. Nous avons découvert le glacier Perito Moreno, coulée de Chantilly de 60 km de long et 90m de haut qui laisse entendre des grincements sourds dus à ses 2m d’avancée quotidienne.
Les nuances de bleu sur la glace sont magnifiques et le spectacle d’un morceau de glacier qui se détache et s’abîme dans le lac gris dans un grondement disproportionné et une vague de flashs a vraiment du cachet…et fait oublier l’air glacial des alentours. On a aimé passé du temps sur les passerelles à guetter les moindres craquements annonciateurs.
Nous sommes retournés avec eux à Torres del Paine, sans vent mais sous la pluie, et à Puerto Natales, où nous leur avons dit au revoir après 10 jours de route commune et pour
5 mois avant les retrouvailles d’été. Ils ont pris la direction du grand Nord chilien, comme nous, mais par avion…
Nous avons ensuite mis le pneu sur la mythique route 40 avec, cette fois-ci, la petite équipe du reportage pour TF1-Grands reportages auquel nous participons. Arrêt à El Calafate et au Perito Moreno pour la seconde fois (quand on aime…) avant de faire un détour brumeux et humide par El Chalten. Malheureusement, le Fitz Roy n’a pas voulu sortir de ses nuages…tant pis pour lui.
On a bien tenté une rando au Mirador des condors mais quand on ne voit que les 3m autour de soi et qu’on est trempés jusqu’aux chaussettes, la montagne a beaucoup moins de charme. On a donc décidé de snober la Mecque du trekking pour aller chercher un peu de chaleur au Nord (ou pas).
C’est en arrivant à Tres Lagos, toujours sur la route 40, que le bât a commencé à blesser.
On arrive à la station service : la gérante est en train de recouvrir ses pompes car elle a peur du court-circuit, la pluie s’est momentanément arrêtée mais on nous annonce que les 70 km de ripio au Nord du hameau sont impraticables, plusieurs voitures, dont des 4×4 argentins (traduisez : capables de passer de partout normalement), sont embourbées, un bus est coincé depuis le matin avec 30 passagers à bord. Il n’a pas plu depuis des semaines et les très fortes précipitations des deux derniers jours ont détrempé le sol glaiseux. La route alternative, en ripio également, est aussi fermée. Les gens du cru nous conseillent tout naturellement de faire un petit détour, il faut juste repasser par Rio Gallegos. En Patagonie, tout est loin et les habitants ont l’habitude de prendre leur pick up pour tout et sur de grandes distances. Le “petit détour par Rio Gallegos” c’est 500 km au Sud + 400 km au Nord, soit un peu plus de 900 km, ce qui nous laisse rêveurs…
On décide de ne pas précipiter la prise de décision et de passer la nuit à Tres Lagos. Pour planter le décor, Tres Lagos ce sont environ 10 rues perpendiculaires, quelques dizaines d’âmes, autant de voitures, de la steppe tout autour et la prochaine ville à 400 km. Mais l’endroit semble avoir bénéficié des largesses de l’ancien couple présidentiel Kirchner, originaire de la province, car pour tout cela il y a quand même un commissariat, un hôpital, une école, une caserne, des infrastructures neuves, des fonctionnaires peu actifs à chaque coin de rue. Nous passons la soirée dans Le restaurant du village, toujours avec l’équipe du reportage, en compagnie des gauchos peu loquaces, des cyclistes coincés comme nous, autour d’un baby-foot. On dort devant le commissariat (eh oui, voyager ça ouvre des perspectives…) au milieu des hurlements des chiens errants et sous des trombes d’eau. Malgré tout, on ne se plaint pas car les passagers du bus, eux, sont toujours dans la boue… Le lendemain, il faut se rendre à l’évidence, on ne passera pas. On apprend que les passagers du bus ont été évacués à 4h30 du matin après une vingtaine d’heures au milieu de la route, le remorquage a creusé un grand ravin, transformé en rivière infranchissable. La météo annonce de la pluie pour les deux prochains jours et il faudra plusieurs jours pour que la route sèche, et seulement si le vent se lève. En bref, mieux vaut un détour de 900km qu’une semaine à Tres Lagos.
Sur la route de Rio Gallegos, nous repassons donc à La Esperanza la bien-nommée, station service au milieu de nulle part, flanquée de quelques bâtiments et d’une balançoire défraîchie, pour la 5ème fois. En 2 jours intenses, on arrive à Gobernador Gregores, en aval des maudits 70 km. La pluie nous accompagne et le moral des troupes oscille entre pugnacité et découragement. On s’enlise un peu au passage, sur un bord de route. Le sol du camion est recouvert de boue, il pleut toujours, les rues sont inondées, les enfants s’énervent, commencent à tourner en rond dans le camion, moi j’essaye de me téléporter aux Bahamas ou sur une plage des Marquises, sans franc succès, tout en essayant de sourire un peu devant la caméra, pendant qu’Etienne, en Viking optimiste, se réjouit, sourit, s’amuse dans les nids de poule remplis d’eau (vous connaissez le personnage du blond de Gad Elmaleh ?).
Mais après le déluge, le miracle advient : la pluie cesse, le soleil revient. On arrive (enfin) à accéder à une estancia pour une visite.
Nicolas, environ 25 ans, tient la ferme avec ses parents. Ils nous accueillent chaleureusement, autour d’un maté et nous font découvrir chevaux, moutons, jambons de guanacos et leur antre de Barbe bleue : des dizaines de peaux de pumas, de moutons et de guanacos qu’ils ont tués sèchent sur des poutres dans un grand hangar.
Ils doivent faire 2h de route pour leurs courses, 4h pour aller chez le médecin, à San Julian, et lorsqu’ils étaient enfants, Nicolas et sa soeur partaient pour 2 mois d’école, entre chaque vacances, vivre sur la côte avec leur mère pendant que le père restaient à la ferme avec les grands-parents. Ils n’ont ni téléphone ni internet et leur voisins les plus proches sont à plusieurs dizaines de km. L’endroit est paisible et sauvage. C’est une autre vie.
On quitte l’équipe du reportage après une semaine rocambolesque, imprévisible (peut-être parce que c’était celle qui avait été la plus prévue…) et au terme d’une expérience intéressante. Je me demande si les 20mn donneront vraiment envie aux gens d’aller chauffer leurs pneumatiques sur la route 40 après tout ça, mais bon…
On enchaîne les lignes droites désertiques de la route 40 jusqu’à la ville de Perito Moreno, sans passer par la Cueva de los Manos (site de peintures rupestres parmi les plus anciennes du continent américain) dont le ripio d’accès risque d’être trop humide et avec une grande soif de vert, de sec, de soleil, de chaleur, de montagnes, en bref de Chili (si-po)!
Tout ceci pour vous dire qu’on a peu de photos à vous montrer parce que la pluie ce n’est pas ce qu’il y a de plus photogénique mais qu’on aura bientôt des nouvelles de la Carretera Australe et de Chiloé à vous donner !
Estamos ahora en Chile despuès de mucha lluvia en la Ruta 40 (Argentina) y un gran desvio por Rio Gallegos (el ripio estuve clausurado entre Tres Lagos y Gobernador Gregores). Hemos descrubrido el maravilloso Glaciar Perito Moreno y sus ruidos. Estuvimos en El Chalten pero sin ver el Fitz Roy… Hemos visitado una estancia entre Gobernador Gregores y la ciudad de Perito Moreno : la familia fue muy simpatica con nosotros, el lugar hermoso et la visita interesante.
Toujours un plaisir de vous lire. Merci Amélie pour ces petits récits. Je pense que Célestin a eu ses 2 ans dans ces contrées lointaines. Bon anniversaire avec un peu de retard. Soph
Les routes ca fait un peu penser à l’Inde parfois 😉