Les vagues du Pacifique, les dunes de sable, les sommets des Andes, les volcans assoupis, les geysers bouillonnant, les champs de neige, les flamands roses, les lacs de sel, les villes de l’ère du nitrate abandonnées, la chaleur diurne et les températures négatives de la nuit, les étoiles et la vallée de la Lune : nous avons traversé le désert d’Atacama du Nord au Sud et d’Est en Ouest, saisis par tous ces contrastes.
Les confins du désert d’Atacama, au Nord, se situent juste après la ville péruvienne d’Arequipa. Nous avons très rapidement laissé les paysages de l’altiplano finissant pour les kilomètres de sable poussiéreux. Nous avons passé la frontière chilienne à Arica, tout au Nord du Chili, à plus de 4000 kilomètres de Punta Arenas. De la capitale chilienne du surf (avec Iquique, un peu plus au Sud), nous n’avons visité que la clinique (oreille d’Apolline infectée à cause d’une morsure qu’on pourrait qualifier à juste titre d’assez violente de… non pas d’un chien errant comme on en trouve des centaines dans les rues mais de…non pas d’un lama en colère…mais de son angélique petit frère. Il faut dire qu’on avait mangé très peu de viande en Bolivie et au Pérou…) et le musée archéologique San Miguel de Azapa. Dans ce dernier, nous avons fait connaissance avec les plus anciennes momies du monde. Elles datent de 7000 avant J-C, coiffant sur le poteau de la longévité toutes les momies égyptiennes. Elles sont l’oeuvre des groupes de chasseurs cueilleurs chinchorros qui peuplaient les rives du Pacifique à cette période. La momification était une pratique très répandue car les archéologues ont retrouvé des momies d’adultes, d’enfants mais aussi de foetus. Sur la route du musée, on peut apercevoir des géoglyphes, mystérieux signes tracés en plein désert, peut-être pour servir de repères.
On a retrouvé un peu de chaleur, presque estivale, en s’enfonçant dans les terres. Les températures sont assez clémentes toute l’année sur la côte grâce au fameux courant de Humbolt mais dès lors qu’on avance dans le désert à proprement parler, le thermomètre monte, de manière très raisonnable pour nous mais on n’imagine mal ce que cela peut donner en plein été. Le désert d’Atacama est le plus aride au monde et quand on voit défiler les dunes de sable et les cailloux sans aucune trace de vie (à part les dérisoires géoglyphes), on mesure l’information en effet. Sur des centaines de kilomètres, c’est un peu ennuyeux mais c’est toujours mieux à bord de Bison qu’à dos de chameau (enfin de lama), d’autant que notre chère monture avait une forme olympique à 500m d’altitude après ses 7 semaines entre 3000 et 4500m.
Au détour d’un virage, nous nous sommes arrêtés au village fantôme d’Humberstone, classé à l’Unesco. Il s’agit d’un vestige de la glorieuse période du nitrate dont le sol d’Atacama est gorgé et qui a été exploité jusqu’au milieu du 20ème siècle. Lorsque le nitrate a commencé à être produit de manière articifielle, les villages de mineurs ont brusquement été désertés. La plupart, comme Humbertsone, est restée en l’état. Nous avons ainsi plongé dans un autre espace temps et nous avons vécu pendant deux heures en plein western (oui je mesure l’anachronisme).
Les dunes de sable nous ont tranquillement menés jusqu’à San Pedro de Atacama. Après la monotonie de la panaméricaine, on a été émerveillés par l’arrivée au-dessus du petit village de San Pedro. Une immense descente, les roches rouges de la vallée de la lune sous le coucher de soleil, le salar en arrière-plan, les volcans, dont le fameux Licancabur, coiffés par la neige. Le Nord du Chili a vécu une sorte d’El Nino il y a quelques semaines. Il a beaucoup neigé dans les Andes. On a donc pu admirer la rencontre entre les contreforts du désert et les Andes sous un beau manteau neigeux. La contrepartie c’est que de nombreux sites des environs étaient fermés.
On a quand même pu monter jusqu’aux plus hautes geysers du monde : les geysers del Tatio, à 4300m d’altitude. Nous sommes partis de San Pedro à 4h30 du matin (oui décidément…) pour pouvoir admirer le lever de soleil là-haut. Bison a monté les 2000m qui séparent San Pedro de Tatio sur un ripio encadré par un mur de neige de chaque côté. Le thermomètre affichait -18°C, notre record ! Nous avons passé une fraîche matinée à admirer ces magnifiques jets de vapeur d’eau au milieu de la neige, nous avons dégusté des oeufs cuits dans l’eau qui sort à 85°C et Etienne s’est baigné dans les thermes naturelles.
Nous avons fait de belles balades dans les alentours de San Pedro, notamment à la laguna Cejar, rendez-vous gastronomique des flamands roses, très peu nombreux à cette période de l’année, où nous nous sommes baignés dans son eau très salée (et glaciale !!!). Comme dans la mer morte, on peut flotter. En voici la preuve avec le seul membre de la famille assez courageux pour rester plus de 2,5 secondes dans une eau à 13°C. Le village de San Pedro est très touristique mais l’affluence était vraiment raisonnable à cette période.
Pendant tout ce temps, les discussions étaient alimentées par l’obsédante thématique “cols ouverts ? cols fermés ?”, un peu comme dans une salle d’accouchement, sauf que là il s’agissait des pasos fronterizos entre le Chili et l’Argentine, fermés pendant plusieurs semaines à cause des précipitations. Deux possibilités s’offraient à nous : le paso Jama, qui culmine à 5000m d’altitude au-dessus de San Pedro et qui mène à la région de Salta en Argentine et le paso de los Libertadores entre Santiago et Mendoza, à 1500km au Sud. Par chance, les deux ont rouvert au moment où on avait besoin d’eux. Après une longue réflexion, on a boudé l’ascension du Jama, ennuyés d’avance par la traversée de la pampa argentine sur des routes en mauvais état (comme 80% des routes en Argentine) et on a décidé de prolonger les vacances en longeant la côte chilienne, avides de ciels étoilés et de poissons frais dégustés face à la mer. C’est ainsi que nous avons remis les roues sur la Panaméricaine. A Antofagasta, nous sommes passés voir Mike, l’Anglais voyageur rencontré en Argentine quelques semaines plus tôt et nous avons eu les étals de poissons frais, délicieux et abondants.
Nous pensions aller voir les manchots de Humbolt, cousins proches des Magellans vus sur la côte Atlantique en Argentine, qui vivent sur une petite île au Nord de la Serena, mais nous n’avons pas pu à cause d’une tempête. Nous avions très envie de pouvoir enfin voir les étoiles d’Atacama mais l’observatoire de la vallée de l’Elqui dans lequel nous avions tenté d’aller en avril, en vain à cause des nuages, était précisément en vacances cette semaine-là. Caramba, encore raté. Les étoiles du désert n’ont pas voulu de nous, tant pis il faudra revenir. A la Serena, nous sommes repassés voir Georges et Teresa, des amis franco-chiliens de ma famille, chez lesquels nous étions allés en avril. C’était justement une réunion familiale et on a passé une très belle soirée en leur compagnie, ce qui nous a bien consolés de notre rendez-vous manqué avec la voie lactée. Durant tout le trajet qui nous a menés de La Serena aux pieds des Andes, Etienne a rêvé à l’idée soufflée par George qui est président de l’Alliance française : emmener des élèves à Atacama, dans le cadre d’un échange, pour admirer l’éclipse solaire de juillet 2019…de belles perspectives. Le paysage du Norte Chico que l’on avait traversé en avril était complètement métamorphosé par les trombes d’eau des semaines précédentes. Une fine couche d’herbe recouvre maintenant les collines poussiéreuses, les buissons sont verts. Dans quelques semaines, les Chiliens pourront voir le phénomène du désert fleuri, le plus beau depuis 20 ans d’après les prévisions et qui n’arrive que rarement, durant les années très pluvieuses, quand il y a assez d’eau dans le sol pour faire germer les bulbes enfouis sous le sable.
On était là un peu trop tôt pour le fleurissement du désert mais juste à tant pour la neige voir tomber la neige au col, ce dont on se serait bien passé ! Nous sommes en effet arrivés à une dizaine de kilomètres avant le passage frontalier devant un très beau panneau vert “camino cerrado”. La route entre les deux pays qui monte jusqu’à 3200 m était enneigée et verglacé. On a essayé d’en savoir un peu plus en se renseignant auprès des policiers chiliens : route fermée pour une durée indéterminée, seulement quelques centimètres de neige mais les Chiliens et les Argentins conduisent trop vite pour les laisser rouler sur la neige dont ils n’ont pas l’habitude. On a bien essayé de négocier en disant qu’on avait des chaînes et l’habitude, mais peine perdue, un policier chilien ça ne discute pas, ça applique (la devise du Chili c’est quand même “par la raison ou par la force”, tout un programme…). Nous avons donc passé la nuit sur la route fermée, devant le panneau vert, avec 5 voitures d’Argentins venus faire des courses au Chili. Comme il faisait moins de 0°C, on a fait une distribution d’eau chaude en se disant qu’un Argentin qui peut boire son maté pouvait affronter n’importe quelle situation, et on a passé une bonne soirée à discuter avec eux au milieu des montagnes.
Le lendemain la route a ouvert à 9h et Bison en tête de cortège, nous avons tous passé la frontière dans les nuages, le Chili, où nous avons vécu de merveilleux mois, derrière nous, prêts pour la route du retour.
A suivre…
petite famille en grande vadrouille, belles photos biens commentées, entrevu de ce qui sera bientôt notre quotidien.
Merci de prendre le temps de nous raconter tout ça
bonne fin de voyage
cdlt
JMarc
Hola, hola,
Nous sommes très inquiets! Que devient Bison seul sur son bateau? Pas trop dure la vie loin de lui?
Bonne fin de voyage,
Sophie et Sylvain
Bison navigue tranquillement sur les eaux de l’Atlantique à l’heure qu’il est, on imagine qu’il apprécie le fait d’avancer sans efforts après 27000km à la force de ses pneumatiques…
Amélie