Parnü, station balnéaire estonienne arbore ses maisons en bois peintes, plutôt vides en cette saison, le long de la langue de sable qui plonge dans une mer Baltique cendrée. L’horizon est immense. Nous nous y arrêtons pour nos premiers pas dans ce dernier pays balte. En réalité, l’Estonie se sent plus proche de la Finlande avec laquelle elle partage une langue particulière – absolument incompréhensible, sans origine indo-européenne – que de ses voisines baltes. Le paysage, lui, ne semble pas au courant car il est tout à fait similaire à ce qui précédait : des champs, des forêts, des tourbières, des oiseaux, des villages colorés.
Nous allons plein Nord dans le parc national de Lahemaa, au bord du golfe de Finlande. Le soleil ne nous quitte plus. La météo est magnifique et les nuits sont brèves. Nous nous habituons doucement au pépiement des oiseaux à 4h du matin et au crépuscule qui n’en finit plus de tomber jusqu’à 23h30. Nous passons quelques jours dans une nature préservée, à nous balader sur les sillons de bois qui lévitent au-dessus de la tourbe, à tanguer sur les balançoires traditionnelles en bois qui font valser tout le pays pour les nuits de la St Jean, à contempler les blocs erratiques venus de Scandinavie avec les derniers glaciers, à observer les oiseaux, à essayer de compter les centaines de cargos qui font route vers St Pétersbourg et à faire griller des saucisses ! Nos derniers bivouacs baltes nous offrent un luxe inégalé avec barbecue, bois, toilettes sèches, tables et chaises à disposition. Les enfants passeront plusieurs soirées à allumer des foyers qui accueillent fruits au chocolat fondus, jambon-fromage grillés devant le soleil couchant – enfin sur le point de penser à se coucher. Nous croisons quelques camions de retraités allemands et finlandais, nos premiers voyageurs depuis très longtemps.
Après avoir rempli tous les interstices de Bison II avec des vivres pour affronter les prix élevés des pays qui suivront, nous faisons escale à Tallinn. Nous tombons immédiatement sous son charme. Rues médiévales, flèches des églises pointées vers le ciel, friches industrielles reconverties avec brio, ambre à profusion dans les vitrines, couleurs vives typiques des villes hanséatiques, bouillonnement sur les terrasses des cafés : tout le monde est dehors, à prendre de l’avance en vitamine D.
C’est sur cette dernière impression que nous montons à bord du MS Finlandia pour deux heures de traversée. Nous sommes vendredi soir et c’est dans une ambiance de folie que nous traversons le golfe de Finlande : la bière coule à flot, un groupe de rock enflamme le dance floor sur lequel se déhanchent les Estoniens (ou les Finlandais, difficile de les distinguer à l’œil ou à l’oreille pour nous) en liesse, incroyable. Sur une dernière note de Muse à la guitare électrique, nous accostons à Helsinki. Le silence de la toundra lapone, ce sera pour plus tard. A suivre.