Sparte, Argos, Némée, Corinthe, Lerne, Mycènes…: lire une carte du Péloponnèse, particulièrement à l’Est, c’est faire une immersion mythologique à chaque carrefour. On s’attend presque à croiser Ulysse, Phèdre ou Héraclès avec un lion sur le dos au coin de la rue ou derrière une branche d’olivier.
Après la ville byzantine de Monemvassia sur son éperon rocheux, nous avons mis les voiles vers Sparte en Laconie. Nous sommes d’abord partis à l’assaut de la colline de Mystra à quelques encablures de Sparte. C’est une ancienne cité byzantine classée à l’Unesco (bon, tout est classé à l’Unesco ici…) érigée dos au Taygète, le plus haut sommet du Péloponnèse (2400m), enneigé en février, et face à l’immense plaine spartiate recouverte d’oliviers. C’est une place forte assez impressionnante et paisible, avec des églises très bien conservées. On apprécie particulièrement ces visites qui permettent de faire un peu chauffer les mollets au passage.
La ville de Sparte n’offre pas d’intérêt majeur mais on a profité de croiser par hasard l’une des familles françaises rencontrées à Elea Beach et de notre première petite pluie grecque pour visiter le musée de l’olive avec des maquettes et des machines qui ont fait le bonheur des 30% techno-friendly de la famille et faire une balade dans la ville au milieu des orangers et des citronniers. Sparte dédaignait l’art architectural (et aussi rhétorique, d’où l’adjectif laconique) athénien, elle n’a laissé que peu de vestiges mais mais le moindre muret bi-millénaire, quand il est au milieu des oliviers, reste un bon décor de promenade quand même.
Après quelques balades au milieu des bergers d’Arcadie, nous sommes entrés en Argolide. La région de Nauplie a été notre camp de base pour découvrir le sanctuaire d’Asclepios avec son fameux théâtre à Epidaure. Le sanctuaire était un lieu de soin et de guérison, les malades venaient consulter des médecins (quelques instruments de médecine antiques dans le musée qui procurent des petits frissons rien qu’a imaginer leur utilisation sans anesthésie…) et faire des offrandes au dieu, à mi-chemin entre le séjour au sanatorium, la cure de Vichy et le pèlerinage à Lourdes. Les Grecs considérant que l’art et le sport faisaient partie intégrante du processus de guérison, ils avaient construit toutes les infrastructures pour se cultiver, d’où le théâtre, et se maintenir en forme. Le théâtre d’Epidaure est l’un des plus grands et des mieux conservés du monde antique. L’acoustique est parfaite, tout a été construit selon les proportions du nombre d’or. Assis sur les gradins, avec une pointe d’imagination, on peut entendre le chœur déclamer quelques vers d’Eschyle ou d’Euripide, les murmures des notables des premiers rangs, tes enfants qui récitent une fable de la Fontaine au centre de la scène, le crissement des cothurnes, le gardien qui siffle tes enfants parce qu’ils courent dans les gradins, l’écho des voix des comédiens sous des masques, le second sifflet du gardien parce que tous les enfants se sont maintenant mis à faire un chat perché et que c’est vraiment pour toi le moment de laisser tes rêveries de tragédie pour s’occuper de tes petits comiques…
A quelques kilomètres de là, vers Epidavros, les nageurs les plus arctiques de la famille ont pu faire du snorkelling au-dessus de ruines romaines englouties par la montée de la mer et colonisées par des oursins gigantesques, dans une ambiance Atlandide.
La seconde famille française d’Elea beach, que nous avons aussi revue par le hasard du voyage (ou notre brin de conformisme à tous visiter les mêmes sites…) sur le chemin nous a emmenés dans un monastère orthodoxe d’une communauté qu’ils connaissaient, dans un environnement très apaisant.
Un peu plus au Nord de l’Argolide, nous avons fait l’ouverture du site de Mycènes et un saut dans le temps pour rejoindre le 2ème millénaire BC, à la fin de l’âge du bronze. La porte aux lionnes est toujours aussi majestueuse. Tout le monde a été saisi par l’architecture du lieu malgré l’austérité qui s’en dégage, chaque membre de la famille selon ses centres d’intérêts : les énormes pierres de taille et les murailles cyclopéennes, les cuirasses du musée, le témoignage des splendeurs et misères d’une civilisation, le nombre de chats tout mignons sur le site, les possibilités de rando tout autour, les magnets de la boutique souvenirs, etc.
Enfin, c’est à Corinthe, juste avant de passer le pont au-dessus du canal et après une courte ascension de l’acrocorinthe que notre beau séjour sur la presqu’île de Pelops s’est refermé. On peut dire que maintenant, toute la famille trouve naturel de visiter un site archéologique tous les deux jours (je crois que j’ai gagné, gniark, gniark), de déchiffrer les panneaux en alphabet grec, de manger des oranges 3 fois par jour, de se promener au milieu d’oliviers centenaires, d’avoir vue sur la mer tous les soirs depuis son lit, d’avaler 500g d’olives par jour, d’acquiescer en disant “né” et en faisant un signe de ” non” français de la tête, de se faire doubler par la droite, d’être en pull au mois de février sous le soleil, de dépasser des brebis endormis sur le bord de la route, de voir des gens embrasser les icônes, de croiser des chiens errants tous les 100m, de voir tout le monde vêtu en noir, de croiser un pope, longue soutane sombre, barbe de 30 cm, carrure imposante, pousser ses enfants dans un chariot au rayon corn flakes de la supérette du coin, d’enchaîner les exos de maths pendant la route, de contempler les racines des chênes verts et de notre civilisation.
Nous sommes maintenant entrés dans le vif du voyage, ce moment où la fatigue des préparatifs et du départ a été absorbée, où les réflexes ont été retrouvés (tu te balades en ville et tu avises les robinets d’eau au centième de seconde), où les besoins de chaque membre de l’équipage ont été à peu près repérés pour construire l’harmonie d’ensemble, où on a appris des réussites et des ratés (à 23h30, sur un parking de port, au milieu du vacarme des voitures qui viennent faire des pointes de vitesse et des virages version gran turismo autour de ta maison sur roue, tu te souviens que tu t’es déjà promis deux fois de ne plus dormir sur un port..) et où on commence à sentir de l’espace intérieur pour l’imprévu et de la disponibilité à ce qu’il adviendra : la ligne de Crête. Direction Heraklion.
Quel bonheur de vous lire (bravo pour ton écriture, Amélie, un régal !), vous imaginer, admirer ces belles photos, goûter de loin à cette vie délicieuse !!!
Vos nouvelles habitudes sont très belles ! Bravo, Amélie, pour ta victoire concernant les sites archéologiques !!! 🙂
Continuez bien sur votre belle ligne de crête !
Merci Alexiane !
Quel régal de vous suivre dans vos pérégrinations et que vous avez bien fait de larguer les amarres. Je vous envie…😉 mais surtout je vous admire👏.
A très vite de vos nouvelles. On vous embrasse fort.
Merci Marie !