L’Albanie, notre porte d’entrée dans les Balkans

Des mercedes noires, des oliviers, des plages de sable fin, des maisons dont l’étage restera en construction à jamais, des bureks, des façades ottomanes, des détritus, des flamands roses, encore des mercedes noires, de vieilles dames vêtues de noir, fichu sur la tête, des mosquées, des églises, toujours des mercedes noires, des hommes à la terrasse des cafés, des bunkers, des bergers gardant leurs troupeaux de moutons ou de chèvres, des drapeaux rouge vif avec un aigle bicéphale un peu partout, des ânes, des vaches ou des chevaux qui traversent la route inopinément, des petits airs de Grèce, d’Italie, de Turquie, de Roumanie un passé tumultueux : bienvenue en Albanie !

Nous sommes entrés dans le pays par la frontière sud, vers la ville ottomane de Girokaster. Tout de suite, l’ambiance est différente et dès les premiers kilomètres, on sent qu’on quitte l’Iliade pour Chat noir chat blanc. Une large vallée verdoyante nous emmène jusqu’aux façades blanches de cette première ville sur notre route, au charme indéniable, malgré la pluie. Elle semble un peu assoupie en cette fin d’hiver, et se refait une beauté pour la saison touristique. On retire quelques leks, on achète des baklavas bon marché, on contemple les tapis et les ruelles à l’architecture typique des siècles ottomans : ça y est on est dans les Balkans ! La première remarque notable c’est qu’ils roulent tous en Mercedes et à tombeau ouvert. Il semblerait que les accidents de la route soit parmi les premières causes de mortalité en Albanie, même les palermitains à côté seraient presque un peu mous du volant. Nous roulons à 50km/h, d’autant que l’orage nous suit jusqu’à la mer et le site de Butrint. Nous ne verrons presque rien des montagnes sur le trajet qui paraissaient pourtant assez belles. On en profite pour réviser nos 4 mots d’Albanais. C’est symbolique mais on tient à saluer et à remercier les gens dans leur langue, en général c’est toujours apprécié. Là, c’est un peu moins intuitif que dans les pays précédents mais on finit par mémoriser le kit de survie.

Le long de la “riviera albanaise”, nous retrouvons Corfou que nous avions longée en arrivant en ferry à Igoumenitsa. Deuxième remarque : la côte est belle et ressemble fortement à sa jumelle grecque de l’autre côté de la frontière, en un peu plus bétonnée et plus sale néanmoins. Un bac – enfin une planche de bois à peu près flottante dans ses bons jours – nous aide à traverser les quelques mètres d’eau de la lagune de Butrint. C’est un site antique grec et une réserve naturelle classés à l’UNESCO. Rien d’époustouflant après 6 semaines helléniques mais l’occasion de faire une petite balade assez agréable quand même sur fond de vestiges archéologiques pour faire une transition douce. Troisième remarque : l’albanais est un espace linguistique de réhabilitation du tréma, il y a en sur presque chaque mot.

Nous remontons ensuite la côte adriatique. La mer est turquoise c’est sûr mais les constructions à la va-vite, le béton, les déchets un peu partout, le fait de savoir que les eaux sont parmi les plus polluées de Méditerranée – notamment parce que toutes les eaux usées sont rejetées dans la mer -, les dizaines de bunkers délabrés et les villages vacances low cost les pieds dans l’eau gâchent un peu la carte postale quand même. Il n’y a quasiment personne dans les villages que nous traversons. Heureusement, nous trouvons un bivouac en bord de la lagune vers la ville balnéaire de Vlora. L’endroit est plutôt sauvage, au milieu des petits troupeaux de moutons et de vaches. Nous sommes bientôt rejoints par deux familles françaises. Aurélie et Simon voyagent avec leurs deux enfants Maxine et Gatien du Nord au Sud tandis que Marine et Matthias, Auguste et Margaux vont dans le même sens que nous. Nous partageons de bons moments de balade, observations des flamands roses, saucisses chamallows grillés au coin du feu, tout cela sous un beau soleil. On refait le plein de vitamine D, de jeux et de nature à peu près préservée.

Bunker sous-marin

Nous allons à l’horizontal pour rejoindre Berat, la ville la plus touristique du pays. On s’attend à une ambiance un peu muséifiée et on est vraiment agréablement surpris. Visite de la forteresse, presque intacte depuis la période ottomane puis plongée dans le centre ville très animé. La “ville aux mille fenêtres” est traditionnellement organisée avec un quartier chrétien et un quartier musulman de chaque côté de la rivière. La partie moderne est coupée par une belle rue piétonne. Nous sommes là un weekend et on déambule avec joie dans une atmosphère de kermesse : des groupes d’hommes un peu âgés qui jouent aux dominos avec passion, des familles qui se promènent, boivent un café, une petite fanfare qui se mêle aux passants. Nous retrouvons les deux familles françaises de la plage et nous passons un très bon moment au square. Nous sommes à peu près les seuls touristes à la ronde. Nous visitons une église, une mosquée et repartons de la dernière avec un sachet de dattes offertes de bon coeur par un Albanais en plein ramadan. Nous les accompagnons de délicieux bureks, feuilletés garnis à la viande, au fromage ou aux épinards. Nous sommes charmés par Berat qui efface nos premières impressions en demi-teintes d’Albanie.

Nous traversons de beaux paysages de campagne – champs d’oliviers, montagnes abruptes et enneigées – parsemés de bunkers. Ils ont été construits pendant la période communiste, plus ou moins utilisés comme espaces de stockage aujourd’hui ou laissés à l’abandon. L’Albanie était un peu la Corée du Nord de l’Europe pendant la seconde partie du 20ème siècle. Enver Hoxha, dictateur jusqu’en 1985, a quand même réussi à se brouiller avec Moscou puis Pékin accusés de tiédeur idéologique – ambiance. Le pays était l’un des plus fermés et des plus pauvres du continent. La plupart des édifices religieux ont été détruits. Le retard économique est encore bien palpable et on sent que tout est allé vite et que le pays mise sur le tourisme, notamment balnéaire, sans trop de planification urbanistique ou écologique. Le tableau est très contrasté : une berline rutilante dépasse un homme qui se déplace en âne ; un hôtel resort spa flambant neuf domine une plage pleine de plastiques à l’abandon, au milieu de taudis ; une petite mamie foulard sur la tête attend le bus en bord de route avec son panier en osier et son smartphone dernier cri.

Après avoir évité toutes les Mercedes noires qui doublent dans les pires virages imaginables – un sport national – nous nous dirigeons vers la voisine de droite. Nous repasserons peut-être dans le Nord de l’Albanie après le Kosovo mais pour l’instant nous ouvrons l’aire de l’alphabet cyrillique, l’aigle noir bicéphale s’éclipse derrière le soleil éclatant sur les drapeaux, c’est parti pour la Macédoine du Nord !

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3 réponses à L’Albanie, notre porte d’entrée dans les Balkans

  1. Sarah dit :

    Les Albanais qui conduisent pire que les Italiens ? Alors bravo pour votre courage hihi. Les Mercedes noires, pas mal, pas mal.
    Dommage pour le plastique sur le plages. Espérons que la conscience pour l’écologie viendra bientôt. Pas évident pour un pays en transition voire qui risque de rester assez pauvre (j’avoue que je ne connais pas grand chose ?? Est-ce qu’il y a de l’industrie en Albanie par exemple ??) bisous à vous tous ! Toujours un grand plaisir de vous lire.

  2. Marine dit :

    Coucou !

    Amélie, c’est tellement bien écrit !
    Ton récit reflète vraiment l’Albanie ! C’est un plaisir !

    A bientôt ☺️

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