Un tour en Macédoine du Nord

Que de belles rencontres pendant cette semaine en Macédoine du Nord !

Nous avons passé la frontière sur les rives du lac d’Ohrid qui délimite Albanie, Grèce et République de Macédoine du Nord. Après un arrêt au monastère Saint Naum avec ses paons en liberté, nous longeons ce grand lac classé à l’Unesco pour rejoindre la ville du même nom. C’est LE lieu touristique de Macédoine du Nord, surtout connu des habitants du pays et plus largement des Balkans. Avec ses petits airs d’Annecy en plus confidentielle, elle compte de jolies églises byzantines, des ruelles assez typiques, un bon petit marché. L’ambiance est assez différente de l’Albanie, étonnamment, les maisons sont plus cossues, les panneaux en cyrillique nous plongent de suite dans une atmosphère slave et surtout il n’y a presque plus de Mercedes. Heureusement, pour le plus grand plaisir d’une partie de l’équipage, on trouve toujours de délicieux bureks, des baklavas et des loukoums, ouf. Les déchets sont aussi là malheureusement, comme en Albanie, il va falloir du chemin pour la prise de conscience écologique dans les Balkans. Nous retrouvons Marine et Matthias, nos compagnons voyageurs de la plage albanaise.

La fameuse Yugo, voiture emblématique de la Yougoslavie

Nous prenons la direction du Nord, vers le parc du Mavrovo, en moyenne montagne : balade jusqu’à une belle cascade, visite du monastère St Jean Birgorski, randonnée farniente au bord d’un petit lac. Le premier soir, nous arrivons un peu tard sur un lieu de bivouac, nous demandons à un monsieur si nous pouvons dormir devant chez lui. Il nous accueille chaleureusement et nous propose même de dormir dans son jardin, de prendre une douche dans la maison, de cuisiner chez lui, de boire un verre de rakia. Etienne décline toutes les propositions sauf la dernière. Ce sera l’occasion d’une bonne soirée à parler de la vie macédonienne autour d’une rakia digne de ce nom. C’est un retraité skopjote qui passe du temps dans cette petite maison de vacances pour pêcher avec ses amis et dépense sa maigre pension (150 euros environ pour la plupart des retraités de la classe moyenne en Macédoine).

Les températures sont plus fraîches, particulièrement la nuit, nous sommes contents d’avoir un chauffage efficace. Les arbres bourgeonnent en ce début de printemps, on sent que la nature de ce climat continental se réveille doucement. Après deux jours ensemble par intermittence, nous disons au revoir à Marine et à Matthias que nous reverrons peut-être cet été en Scandinavie.

La route pour Skopje passe par la ville de Tetovo, bastion de la rébellion albanaise et qui a particulièrement souffert de la guerre civile de 2001. Le Petit Futé déconseille d’y aller mais la zone n’est pas considérée comme à risque par le ministère des affaires étrangères français. On hésite mais on décide de s’y arrêter. En arrivant, on se gare dans la rue principale, devant un étroit magasin de vêtements orientaux pour femmes. La propriétaire est en train d’ouvrir, nous échangeons quelques mots avec elle. Nous ne passons pas inaperçus, un vieux monsieur s’arrête pour montrer le camping-car à ses deux petites filles qui en voient sans doute un pour la première fois. Nous partons visiter la très belle mosquée peinte, juste avant la prière et le tekké, monastère soufi un peu déserté. A chaque fois, nous sommes très bien accueillis. Au retour, nous engageons la conversation avec la dame du magasin, aidés de quelques mots d’anglais, de français, d’albanais et surtout de beaucoup de gestes et de sourires. Elle est un peu plus âgée que nous, porte un voile et dégage beaucoup de douceur. De fil en aiguille, nous apprenons que sa soeur vit à Paris depuis quelques années. Elle est charmée par les sourires de Mahault et semble heureuse de voir que nous nous sentons bien dans son pays. Au moment de partir, elle me tend un sac, c’est un sous-pull de sa boutique qu’elle m’offre. Je n’ai pas le temps de la remercier qu’elle revient avec d’autres paquets, une petite robe en dentelle de fête pour Mahault, des leggings rose paillette pour les grandes. Elle nous dit que si Allah veut que nous revenions en Macédoine, nous devons repasser par sa boutique. Nous la remercions chaudement et quittons la rue, ébahis devant une telle générosité. Cette spontanéité et cette gentillesse nous réchauffent le coeur et c’est avec une grande joie que nous avalons les kilomètres jusqu’à la capitale, sur l’autoroute Mère Teresa. Albanaise, née à Skopje d’une famille originaire du Kosovo, cette dernière est en effet une star nationale, tout comme en Albanie et au Kosovo, toutefois un peu controversée, entre autres en raison de ses positions sur les musulmans.

Nous avions entendu beaucoup de critiques sur Skopje. Nous ne savions pas trop à quoi nous attendre mais nous avions très envie de découvrir cette capitale un peu exotique pour nous. Nous trouvons une place pour Bison dans une ruelle entre deux maisons de village, à quelques centaines de mètres du centre ville. Skopje a été presque entièrement détruite par un séisme en 1963. Elle a été en grande partie reconstruite par des disciples du Corbusier et a fait office de vitrine architecturale de la Yougoslavie. L’ensemble est très hétérogène : les bâtiments ottomans qui ont survécu côtoient les immeubles en béton, les petites maisons de village qui ont traversé le temps lèvent les yeux vers les buildings ultra modernes. Et pour couronner le tout, le gouvernement a lancé un grand projet très coûteux et qui a divisé la nation en 2014 pour refaire un centre ville à la gloire de la jeune nation à grands renforts de colonnes et de statues. Le résultat est kitsch à souhait et grandiloquent mais montre bien le processus de “nation building” d’un pays qui a du mal à trouver ses racines et son identité. La place centrale accueille notamment une gigantesque statue d’Alexandre le Grand qui a fait l’objet d’un différend avec la Grèce : comme pour le premier drapeau du pays né des décombres de l’ex-Yougoslavie, la Grèce accuse sa voisine de récupérer l’Histoire des rois macédoniens alors que leur territoire correspond en grande partie à la région grecque de la Macédoine. D’ailleurs, ce n’est qu’en 2018 que les deux pays se sont mis d’accord sur le nom de celle qui est devenue la République de Macédoine du Nord. Les relations sont également tendues avec la Bulgarie qui accuse sa voisine de droite d’appropriation du patrimoine historique. Vu de l’extérieur, ça fait un peu cours de récréation de maternelle, mais bon difficile de comprendre quand on vient d’une vieille nation. En fait, plus on se documente sur les Balkans, plus en avance dans notre découverte de la région, plus on comprend que c’est vraiment un sacré bazar géopolitique… Alors qu’on est sur le chemin du retour, une dame s’adresse à Célestin qui vient de se faire mal dans un Français parfait. On engage la conversation avec elle, en plein carrefour, et cela durera toute la fin d’après midi. Elle est très contente de nous parler de son pays – elle est diplomate – et de pratiquer un peu le Français. On profite de cette occasion pour en apprendre plus et on se dit que c’est un privilège d’être dans un endroit peu touristique. Finalement, on a bien aimé cette ville, même le centre moderne, notons qu’on doit avoir un léger penchant inavoué pour le carton pâte pédant…

Skopje ou le Vinted des double decker buses
La statue de la discorde
Pas encore le goût Whatsapp
Les coulisses

A quelques kilomètres de la capitale, nous allons dans le canyon de Matka, La promenade de weekend des skopjotes. C’est là que l’on retrouve une famille voyageuse avec laquelle on passera deux soirées très sympas et une belle journée rando. Amaury, Servane et leur quatre enfants à peu près du même âge que les nôtres font un grand tour d’Europe pendant 6 mois. La mayonnaise prend très vite et tout le monde est ravi de partager parties de cache-cache et déjeuners sur l’herbe, combines d’aménagement de camping-cars et de fabrications de bracelets.

8 enfants qui jouent à l’ombre…

Nous passons notre dernière nuit macédonienne à côté d’un monastère orthodoxe avec une très belle vue sur Skopje. Le matin, l’un des moines vient discuter avec nous. Au bout d’un moment, il nous propose de nous faire visiter son monastère. Quand je lui fais remarquer que je n’ai pas de jupe, il me répond “T’inquiète, Dieu est dans le coeur, pas dans les vêtements”. C’est un bon début. La petite église est très belle, les fresques médiévales ont été bien conservées, notamment une belle Lamentation. Sous l’impulsion de Pantaleimon – notre guide du jour – le monastère essaie de redevenir un lieu d’autarcie alimentaire. Les moines ont un troupeau de moutons, un potager et essaient de sensibiliser les visiteurs au problème des déchets, très vaste sujet dans les Balkans. Ils entretiennent des relations cordiales avec leurs voisins musulmans, ce qui ne va clairement pas de soi dans la région. On repart avec de nombreux cadeaux et de l’espoir quant aux problèmes qui sautent aux yeux du voyageur néophyte dans les Balkans : le rapport à l’environnement et le vivre ensemble entre communautés. Tant qu’il y a des Pantaleimon, rien n’est perdu.

Cette semaine en Macédoine aura donc été riche de rencontres. Nous avons été confortés dans notre choix. La plupart des voyageurs remontent les Balkans par la côte Adriatique, Albanie, Monténégro, Croatie, assez rapidement en général. Les paysages sont sans doute plus grandioses, le patrimoine architectural plus riche, la météo clairement meilleure mais en fait on se sent à notre place ici. Ce qu’on recherche dans le voyage ce n’est pas une enfilade de sites magnifiques mais une vie simple. On a été accueillis avec beaucoup de gentillesse en Macédoine du Nord parce qu’on était un peu atypiques en tant que voyageurs ouest européens. On a l’impression de vivre un peu plus l’aventure du voyage. Même si ça nous va bien avec quatre enfants, on a trouvé que voyager en Italie et en Grèce était très facile, presque un peu trop. On a le sentiment d’être dans une veritable altérité culturelle ici, c’est une terre complexe, qui demande un peu de temps pour apprécier ce qu’elle a à offrir. Un peu comme la rakia, abrupte à la première gorgée mais chaleureuse ensuite pour peu que l’on persévère. Prochaine destination, le Kosovo !

Bijou traditionnel en filigrane d’argent avec un rubis macédonien
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7 réponses à Un tour en Macédoine du Nord

  1. Sarah dit :

    Des bus londoniens, une glace red bull !! Pleins de surprises et surtout de belles rencontres. Merci pour ce partage. Et comment ça, Amélie, t’as pris 0 jupe?? 😉

  2. Marie M dit :

    Coucou et toujours un grand merci pour vos articles tous aussi passionnants à lire, bravo… que d’aventures et de moments partagés plein d’émotions. Heureusement d’ailleurs car c’est bien le but du voyage me semble t il, les rencontres. Et dans notre monde où l’individualisme est roi, que ça fait du bien.
    On en redemande… en attendant de sortir mais moins loin notre p’tit camion.
    On vous embrasse fort et toujours, bon vent à vous 6…

  3. Marine dit :

    On espère bien vous recroiser en Scandinavie !
    Et si ce n’est pas la haut, ça sera en France ! 😉

  4. Chococo dit :

    Les baklavas c’est trop bon 😋😋😋🤤😋🤤🤤🤤😋😋😋😋🤤😋😋😋😋🤤🤤😋🤤

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